La dernière fois, nous avons couvert les facteurs influençant la demande de bière et conclut que les prix risquaient d’augmenter. Si vous avez manqué l'intervention précédente:
Où vont les prix de la bière? (partie 1)Voyons maintenant si cette tendance ne pourrait pas être renversée par d’autres facteurs.
Principaux facteurs faisant varier l’offre de bière
Prix des matières premières
Portrait : Une hausse soutenue des prix des ingrédients, principalement du malt, diminue la rentabilité de l’industrie et la rend moins attrayante aux yeux des investisseurs. Ils recherchent alors de meilleurs investissements. Actuellement, bien malin est celui qui sait dans quel sens évolueront les prix. Par exemple, la fameuse pénurie de houblon qui faisait grincer des dents tous les brasseurs du monde appartient désormais au passé; les prix sont très volatils. Pour tout vous dire, si j’avais la moindre idée des niveaux qu’atteindront les prix des ingrédients au cours des prochaines années, je serais en train de convertir cette information en profit au lieu de perdre mon temps à bloguer pour une poignée d’irréductibles lecteurs (on vous aime Albertine, Alphonse et Gontrand!)
Conclusion : de façon générale, les économistes s’attendent à des hausses de presque toutes les ressources cultivées. On pourrait donc s’attendre à une diminution de l’offre et par conséquent des prix, mais qui sait?
Contraintes légales, interventions gouvernementales
Portrait : Les démarches à entreprendre pour démarrer une microbrasserie demandent un réservoir inépuisable d’énergie. Les délais d’obtention des permis en rebutent plus d’un. Impossible d’être microbrasseur sans ceux-ci. Des pressions sont parfois exercées auprès du gouvernement pour faciliter l’accès au marché, mais avouons que les brasseries déjà établies n’ont plus avantage à ce que de nouveaux joueurs entrent dans le marché; le lobbysime demeure donc à faible portée. En revanche, le gouvernement est loin d’être fidèle à ses propres convictions en n’assurant aucun contrôle des bières sur nos tablettes. Ce serait un sujet pour un autre article que de déterminer si le gouvernement devrait s’impliquer davantage en ce sens, mais rien n’indique que des interventions gouvernementales viennent compliquer davantage les contrôles entourant la fabrication et la mise en marché de la bière. À l’inverse, aucun indice ne laisse présager que le gouvernement se mettra à subventionner l’industrie outre mesure. Conclusion : statu quo
Changements technologiques
Portrait : Si un de nos savants biérophoux inventait une embouteilleuse plus efficace que tout ce qu’on trouve sur le marché, qui ne prend pas de place et qui coûte 100$, gageons que nous verrions déferler beaucoup de nouveaux produits en bouteille. En effet, les coûts de production seraient amoindris. À part ces utopies, l’industrie de la bière artisanale ne subit pas vraiment de chocs technologiques extérieurs majeurs.
Conclusion : statu quo
Encore ici, d’autres facteurs pourraient être invoqués, mais globalement, nous retirons de cet exercice qu’il est difficile de prédire dans quelle direction l’offre évoluera à moins de disposer de la boule de cristal de Monique Jérôme-Forget qui permet d’écarter tout doute résiduel quant aux futurs prix des matières premières.
Y aurait-il un biais de l’offre?
J’ajouterais toutefois un facteur digne de mention qui ne figure pas aux manuels d’économie classiques. La bière artisanale est un milieu d’artisans. Les gens qui s’y aventurent occupaient souvent des emplois bien rémunérés avant de tout lâcher et de prendre un risque. Ils ne le feraient pas s’ils n’avaient pas espoir que leur passion leur permette éventuellement de mettre du pain sur la table. Cependant, ils ne le font pas nécessairement dans la logique pure de l’investisseur cherchant à maximiser son profit, un postulat sous-tendant les théories économiques. Pour un artisan, vivre de son art est un profit en soi qui est ajouté à son profit en dollars. L’offre traditionnelle est donc biaisée.
La résultante de ce biais? Nous l’observons à chaque fois que nous croisons un de ces nombreux passionnés qui a entendu l’appel : « Moi, c’est sûr que d’ici cinq ans, j’ai ma brasserie », disent-ils. Peu le font, mais au Québec, on en compte quand même environ cinq par an depuis plusieurs années.
Il y a donc quand même une augmentation de l’offre! Cette hausse d’offre se traduit par un ajout de profondeur au marché et en augmente l’intensité de la concurrence. Et qui dit concurrence dit nécessité d’avoir des prix concurrentiels sans lesquels le client ira cogner sur la porte du voisin. Ainsi, plus nous avons de brasseries, plus celles-ci ont intérêt à limiter la hausse de leurs prix de vente (à moins qu’elles ne forment un cartel comme les pétrolières!).
Il s’agirait donc de déterminer si la pression à la hausse sur les prix exercée par la demande en hausse est plus puissante que celle à la baisse exercée par l’offre, aussi en hausse? Sur le marché en général, oui. Dans le marché de la bière artisanale, je n’en suis pas si sûr.
Nous verrons pourquoi lors de notre prochaine intervention...
Pour lire la portion suivante de ce dossier:
Où vont les prix de la bière? (partie 3)